Le Figaro –
Durant cette attaque, qui aurait été menée par l’État islamique selon le ministère syrien de l’Intérieur, un homme a ouvert le feu durant une messe dominicale, avant de se faire exploser.
Dans l’église où se presse la foule affolée, une odeur de mort prend à la gorge. Au sol, le sang côtoie les restes humains que tentent de ramasser les membres de la Sécurité civile arrivés quelques minutes avant sur les lieux. «Depuis la chute du régime, je n’ai jamais vu quelque chose comme ça. Certains corps étaient totalement détruits», lâche l’un d’eux. Certaines icônes ont été arrachées des murs par les balles qui ont laissé des traces d’impact sur les cloisons.À découvrir
Nicolas Trados, sort de là pour respirer devant le fronton de l’édifice. «Un homme est arrivé pendant la messe et a commencé à tirer, raconte le Syrien aux cheveux grisonnants. Mon fils a essayé de le repousser mais je ne l’ai pas laissé faire. L’assaillant est ensuite entré dans l’église en tirant, et s’est fait exploser. C’était exactement là», poursuit-il en indiquant d’un geste du bras le trou formé dans le sol par la détonation. Sa femme, les larmes aux yeux, ajoute : «C’était en plein office, il y avait au moins 150 personnes dont de nombreux enfants, cette église est une des principales du quartier». À deux pas, un prêtre revêtu d’une soutane marron observe le ballet des secouristes sans bouger, le regard hagard.

Le régime accusé de laisser faire
Ce dimanche 22 juin, à 18h30, l’église Mar Elias du quartier de Dwelaa, située dans le sud-est de Damas, a été la cible d’un attentat qui a fait au moins 22 morts et 52 blessés, selon un bilan provisoire des autorités syriennes. Il aurait été l’œuvre de l’État islamique, a affirmé lors d’une conférence de presse le porte-parole du ministère de l’Intérieur. L’organisation terroriste, qui a mené une première attaque contre une position du gouvernement le 29 mai dans le sud du pays, n’a pour l’heure pas revendiqué cet acte. Il s’agit de la première attaque de ce genre dans la capitale syrienne depuis la chute de Bachar el-Assad, le 8 décembre 2024.
Tandis que les secouristes finissent d’évacuer les derniers blessés, le chaos se poursuit. Le père Yohanna Schéhadé, prêtre de la paroisse grecque orthodoxe de Mar Elias, marche entre les bancs dont certains ont été réduits en morceaux par la puissance de l’explosion. « Se faire attaquer durant la messe nous donne l’impression d’être totalement abandonnés. De nombreux incidents ont été relevés contre des églises en Syrie depuis la chute du régime et les autorités n’ont rien fait pour arrêter cela. Je ne dis pas qu’elles encouragent de telles attaques, mais elles ne font rien pour les empêcher. Honnêtement, ce qui vient d’arriver ne me surprend pas », lâche le religieux.

«Nous ne sommes pas en sécurité»
Même si aucun incident n’a été relevé dans le quartier de Dwelaa avant l’attentat de ce dimanche, Fadi confie la peur qu’il ressentait déjà avant ce dimanche. « Il y a deux jours, nous disions avec d’autres amis chrétiens que la prochaine attaque viserait forcément notre communauté », affirme le paroissien. Depuis la chute du régime de Bachar el-Assad le 8 décembre dernier, les tensions communautaires héritées de treize ans de guerre civile se poursuivent. En mars 2025, la communauté alaouite a été la cible d’une vague de massacres qui a fait au moins 1.334 victimes, selon le Réseau syrien des droits de l’homme.
Début avril, la minorité druze a également été la cible de violences sectaires de la part de groupes armés radicaux. «Nous ne nous attendions cependant pas à une telle attaque», rectifie Fadi. Comme de nombreux autres habitants de Dwelaa, il est contraint, malgré sa peur, de rester dans le quartier connu pour être populaire. «Nous ne sommes pas en sécurité, et nous nous attendons à d’autres attaques. Mais où voulez-vous que nous allions, nous n’avons ni d’autres maisons, ni les moyens de nous en aller», s’inquiète-t-il.
« Des membres de la sécurité générale tentent de changer l’image de nos martyrs en affirmant que l’attentat a été conduit par des pro-Assad. C’est faux, c’est l’œuvre de l’État islamique »Fadi, un paroissien
Pendant que parle le jeune homme, un attroupement se forme sur le parvis de l’église martyre. Des hommes de la paroisse haussent le ton face aux hommes de la sécurité générale, qui ont été déployés par dizaines sur les lieux. «Vous ne vous approchez pas de nos hommes», balance un paroissien dont le t-shirt est taché du sang des victimes. «Arrêtez de mentir. Ce ne sont pas des membres de l’ancien régime», peut-on encore entendre. Fadi observe la scène en reculant de quelques pas. «Des membres de la sécurité générale tentent de changer l’image de nos martyrs en affirmant que l’attentat a été conduit par des pro-Assad (que le régime tente d’arrêter depuis leur prise de pouvoir, NDLR). C’est faux, c’est l’œuvre de l’État islamique». Quelques heures après l’attaque, le gouverneur de Damas Maher Marwan a ainsi déclaré depuis l’église de Mar Elias que «les soutiens de l’ancien régime ont une main destructive sur la région».
Cette attaque a été largement condamnée par la communauté internationale. «La France condamne avec la plus grande fermeté l’attentat terroriste abject», et «exprime toute sa solidarité au peuple syrien qui souhaite que la Syrie retrouve le chemin de la paix», a ainsi réagi le ministère des Affaires étrangères français dans un communiqué.
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